Rastignac, une année d’initiation
Le père Goriot, Honoré de Balzac
Eugène de Rastignac... à ...bachelier en droit. Page 56
Situation
Cet extrait de Le Père Goriot, de Honoré de Balzac, s’inscrit comme le précédent dans de présentation générale des lieux et des personnages : la maison, surtout les deux pièces au rez-de-chaussée, puis madame Vauquer, Michonneau, Poiret, Couture avec Victorine, enfin Vautrin, sans oublier les domestiques, Christophe et la grosse Sylvie. Le lecteur connaît maintenant le cadre et chacun des habitants.
Rastignac déjà été nommé et son portrait physique esquissé (pages 36-37) : « Eugène de Rastignac avait un visage tout méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus ». Les traits remarquables de cette esquisse préliminaire sont le visage, séduisant, les manières, aristocratiques, la tournure, élégante.
L’enjeu du texte
Rastignac déjà été nommé et son portrait physique esquissé (pages 36-37) : « Eugène de Rastignac avait un visage tout méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus ». Les traits remarquables de cette esquisse préliminaire sont le visage, séduisant, les manières, aristocratiques, la tournure, élégante.
L’enjeu du texte
C’est ici, avec ce récit/analyse des premiers pas d’Eugène à travers le labyrinthe de la capitale, que se dessine pour la première fois le thème important de l’apprentissage ; le texte place Eugène en position protagoniste et montre sa sensible influence d’une année à Paris sur sa sensibilité, sa morale, sa compréhension de la société. Le commentaire s’attachera à cerner son évolution.
Lecture
Lecture
Eugène de Rastignac était revenu dans une disposition d'esprit que doivent avoir connue les jeunes gens supérieurs, ou ceux auxquels une position difficile communique momentanément les qualités des hommes d'élite. Pendant sa première année de séjour à Paris, le peu de travail que veulent les premiers grades à prendre dans la Faculté l'avait laissé libre de goûter les délices visibles du Paris matériel. Un étudiant n'a pas trop de temps s'il veut connaître le répertoire de chaque théâtre, étudier les issues du labyrinthe parisien, savoir les usages, apprendre la langue et s'habituer aux plaisirs particuliers de la capitale; fouiller les bons et les mauvais endroits, suivre les cours qui amusent, inventorier les richesses des musées. Un étudiant se passionne alors pour des niaiseries qui lui paraissent grandioses. Il a son grand homme, un professeur du Collège de France, payé pour se tenir à la hauteur de son auditoire. Il rehausse sa cravate et se pose pour la femme des premières galeries de l'Opéra-Comique. Dans ces initiations successives, il se dépouille de son aubier, agrandit l'horizon de sa vie, et finit par concevoir la superposition des couches humaines qui composent la société. S'il a commencé par admirer les voitures au défilé des Champs-Elysées par un beau soleil, il arrive bientôt à les envier. Eugène avait subi cet apprentissage à son insu, quand il partit en vacances, après avoir été reçu bachelier en Lettres et bachelier en Droit.
Le Père Goriot - Honoré de Balzac
Annonce des axes
Le Père Goriot - Honoré de Balzac
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Etude
I Composition : un portrait dans la durée :
Le portrait du héros s’inscrit dans le mouvement de son apprentissage.
Une année de biographie morale est résumée en un portrait construit selon la chronologie, comme l’a été celui de Goriot. Par ce retour en arrière est dépeinte l’évolution du caractère dans le temps. Le portrait de Vautrin, c’était l’aspect physique dans le présent et une tentative de déchiffrement ; celui de Rastignac peut s’examiner en termes de durée, approche inhabituelle pour ce genre de texte. Le narrateur connaît tout de sa créature, son esprit, ses sentiments, l’emploi de ses journées.
Pour la composition, on distinguera trois étapes : d’abord les dispositions naturelles, les atouts du jeune homme au seuil de la vie (jusqu'à « du Paris matériel »). Ensuite, l’investigation menée par l’étudiant, le dynamisme de la découverte (« un étudiant… l’Opéra-comique »). Enfin, au point d’arrivée, les effets de l’apprentissage (« Dans ces initiations… en droit »). Ce sont les trois étapes que nous allons examiner successivement.
II Les Dispositions de départ :
Une année de biographie morale est résumée en un portrait construit selon la chronologie, comme l’a été celui de Goriot. Par ce retour en arrière est dépeinte l’évolution du caractère dans le temps. Le portrait de Vautrin, c’était l’aspect physique dans le présent et une tentative de déchiffrement ; celui de Rastignac peut s’examiner en termes de durée, approche inhabituelle pour ce genre de texte. Le narrateur connaît tout de sa créature, son esprit, ses sentiments, l’emploi de ses journées.
Pour la composition, on distinguera trois étapes : d’abord les dispositions naturelles, les atouts du jeune homme au seuil de la vie (jusqu'à « du Paris matériel »). Ensuite, l’investigation menée par l’étudiant, le dynamisme de la découverte (« un étudiant… l’Opéra-comique »). Enfin, au point d’arrivée, les effets de l’apprentissage (« Dans ces initiations… en droit »). Ce sont les trois étapes que nous allons examiner successivement.
II Les Dispositions de départ :
Le héros semble avoir toutes les dispositions requises pour un apprentissage réussi.
D’emblée, Rastignac est présenté comme un garçon aux capacités exceptionnelles : il appartient à la classe des « jeunes gens supérieurs », il a « les qualités des hommes d’élite », avec une réserve, « momentanément ».
La sphère de ses intérêts n’est pas d’un intellectuel : d’abord il prend ses distances par rapport au savoir universitaire, persuadé pu « peu de travail que veulent les premiers grades à prendre dans la Faculté ». Il se rend libre d’ouvrir les yeux sur la réalité vraie, celle du monde, cela en une formule où chaque terme dit la prédominance des sens : « goûter les délices visibles du paris matériel », la capitale étant perçue comme un mets délectable offert à la dégustation, notion prépondérante de plaisir et d’attachement au concret.
III La dynamisme de l’apprentissage :
D’emblée, Rastignac est présenté comme un garçon aux capacités exceptionnelles : il appartient à la classe des « jeunes gens supérieurs », il a « les qualités des hommes d’élite », avec une réserve, « momentanément ».
La sphère de ses intérêts n’est pas d’un intellectuel : d’abord il prend ses distances par rapport au savoir universitaire, persuadé pu « peu de travail que veulent les premiers grades à prendre dans la Faculté ». Il se rend libre d’ouvrir les yeux sur la réalité vraie, celle du monde, cela en une formule où chaque terme dit la prédominance des sens : « goûter les délices visibles du paris matériel », la capitale étant perçue comme un mets délectable offert à la dégustation, notion prépondérante de plaisir et d’attachement au concret.
III La dynamisme de l’apprentissage :
L’écriture suit le mouvement de cet apprentissage : vivacité de la phrase, choix des verbes et des substantifs évoquant les domaines auxquels le héros rêve d’accéder.
Le rythme de la phrase. Le jeune homme va faire preuve d’un tempérament de découvreur, exprimé dans la vivacité de la phrase : une série d’infinitifs juxtaposés, des segments brefs dont chacun marque une étape dans l’appropriation de Paris, une tentative conquérante dans les détours du labyrinthe :
« Un étudiant n’a pas trop de temps s’il veut connaître le répertoire de chaque théâtre, étudier les issues du labyrinthe parisien, savoir les usages, apprendre la langue, et s’habituer aux plaisirs particuliers de la capitale ; fouiller les bons et els mauvais endroits, suivre les cours qui amusent, inventorier les richesse des musées."
Les verbes. En outre, l’élément dominant est chaque fois le verbe, tous verbes dynamiques appartenant au registre de la connaissance, de l’appétit intellectuel, de l’exploration mentale : « connaître… étudier…apprendre…fouiller…inventorier ». Cette succession dit l’impatience enthousiaste de l’étudiant, avide de savoir et qui « n’a pas trop de temps s’il veut… ». Or Rastignac veut tout.
Les substantifs. Le champ de ces découvertes est inscrit dans les substantifs, que l’ont peut classer sous deux rubriques :
- La rubrique culture comporte « le répertoire de chaque théâtre… les richesses des musées… les cours qui amusent… un professeur au collège de France ». Toutes ces découvertes sont d’autant plus excitantes que la capitale d’investigation intellectuelle, encore à travers les substantifs : il s’agit « d’étudier les issues du labyrinthe parisien, savoir les usages, apprendre la langue », un pays mystérieux, presque étranger pour le provincial, qui a sa topographie sinueuse, un « labyrinthe », ses mœurs propres, ses us et coutumes, les « usages », enfin son idiome. Cette passion de comprendre a dû être celle du jeune Balzac débarquant de tours dans la capitale.
- La rubrique plaisir, relations, vie sociale réunit « les issues du labyrinthe parisien… les usages, la langue…plaisirs particuliers de la capitale…les bons et les mauvais endroits… la femme des premières galeries de l’opéra-comique ». Les révélations sont de l’ordre du coeur et des sens. Les satisfactions de l’amour ne sont qu’entrevues, ardemment souhaitées, mais inaccessibles encore : la femme est désirée, mais à distance dans « les premières galeries ».
IV Les effets de l’apprentissage :
Le rythme de la phrase. Le jeune homme va faire preuve d’un tempérament de découvreur, exprimé dans la vivacité de la phrase : une série d’infinitifs juxtaposés, des segments brefs dont chacun marque une étape dans l’appropriation de Paris, une tentative conquérante dans les détours du labyrinthe :
« Un étudiant n’a pas trop de temps s’il veut connaître le répertoire de chaque théâtre, étudier les issues du labyrinthe parisien, savoir les usages, apprendre la langue, et s’habituer aux plaisirs particuliers de la capitale ; fouiller les bons et els mauvais endroits, suivre les cours qui amusent, inventorier les richesse des musées."
Les verbes. En outre, l’élément dominant est chaque fois le verbe, tous verbes dynamiques appartenant au registre de la connaissance, de l’appétit intellectuel, de l’exploration mentale : « connaître… étudier…apprendre…fouiller…inventorier ». Cette succession dit l’impatience enthousiaste de l’étudiant, avide de savoir et qui « n’a pas trop de temps s’il veut… ». Or Rastignac veut tout.
Les substantifs. Le champ de ces découvertes est inscrit dans les substantifs, que l’ont peut classer sous deux rubriques :
- La rubrique culture comporte « le répertoire de chaque théâtre… les richesses des musées… les cours qui amusent… un professeur au collège de France ». Toutes ces découvertes sont d’autant plus excitantes que la capitale d’investigation intellectuelle, encore à travers les substantifs : il s’agit « d’étudier les issues du labyrinthe parisien, savoir les usages, apprendre la langue », un pays mystérieux, presque étranger pour le provincial, qui a sa topographie sinueuse, un « labyrinthe », ses mœurs propres, ses us et coutumes, les « usages », enfin son idiome. Cette passion de comprendre a dû être celle du jeune Balzac débarquant de tours dans la capitale.
- La rubrique plaisir, relations, vie sociale réunit « les issues du labyrinthe parisien… les usages, la langue…plaisirs particuliers de la capitale…les bons et les mauvais endroits… la femme des premières galeries de l’opéra-comique ». Les révélations sont de l’ordre du coeur et des sens. Les satisfactions de l’amour ne sont qu’entrevues, ardemment souhaitées, mais inaccessibles encore : la femme est désirée, mais à distance dans « les premières galeries ».
IV Les effets de l’apprentissage :
Ces effets, qui marquent l’aboutissement de l’initiation, se résument en trois verbes « concevoir…admirer…envier ».
Concevoir dit une opération de l’ordre de l’intelligence : l’étudiant « finit par concevoir la superposition des couches humaines qui composent la société ». Il a compris l’essentiel : la société se subdivise en classes, qui sont fort inégales par leur position.
Admirer relève de l’affectivité : « admirer les voitures au défilé des Champs-Élysées par un beau soleil » ; le verbe traduit l’éblouissement du jeune homme à pied devant le symbole visible et éclatant de l’élégance et du luxe, la splendeur des équipages.
Envier appartient au registre du désir, « il arrive bientôt à les envier ». Rastignac n’est pas un intellectuel qui se contente d’analyser, ni un apprenti romancier qui observe pour raconter ; ce qu’il veut surtout, c’est conquérir, posséder. Il passer très vite de la connaissance au désir d’appropriation. Puis du désir à l’acte, en s’introduisant chez madame de Beauséant.
Conclusion
Concevoir dit une opération de l’ordre de l’intelligence : l’étudiant « finit par concevoir la superposition des couches humaines qui composent la société ». Il a compris l’essentiel : la société se subdivise en classes, qui sont fort inégales par leur position.
Admirer relève de l’affectivité : « admirer les voitures au défilé des Champs-Élysées par un beau soleil » ; le verbe traduit l’éblouissement du jeune homme à pied devant le symbole visible et éclatant de l’élégance et du luxe, la splendeur des équipages.
Envier appartient au registre du désir, « il arrive bientôt à les envier ». Rastignac n’est pas un intellectuel qui se contente d’analyser, ni un apprenti romancier qui observe pour raconter ; ce qu’il veut surtout, c’est conquérir, posséder. Il passer très vite de la connaissance au désir d’appropriation. Puis du désir à l’acte, en s’introduisant chez madame de Beauséant.
Conclusion
Ce portrait tranche sur les précédents. Le personnage est jeune. On le saisit dans le mouvement de son apprentissage.
Un portrait en action. Du point de vue de la technique narrative, ce texte nous offre, non pas l’état statique d’une conscience à un moment donné, mais le récit d’un itinéraire intérieur d’une année. Un éclairage rétrospectif est porté sur le personnage, procédé habituel dans les pages d’exposition, où le narrateur fait le point sur le passé avant d’engager l’action dans le présent.
Les qualités du héros en apprentissage. Rastignac est doué de trois vertus magiques : la vivacité dans l’analyse, le désir vif de posséder ce qu’il voit et l’aptitude a l’action. Il est muni es qualités utiles au héros en phase d’apprentissage puise à travers son regard et son comportement le narrateur peut nous livrer à la fois la connaissance des choses et les moyens de leur appropriation.
Un personnage enthousiaste. Ce personnage incarne la face de lumière du roman balzacien, tant d’ardeur et de foi dans la vie qu’ignoreront les héros et héroïnes de Flaubert, et même Gervaise de Zola dans L’Assommoir, avec ses velléités d’une vie laborieuse.
Un portrait en action. Du point de vue de la technique narrative, ce texte nous offre, non pas l’état statique d’une conscience à un moment donné, mais le récit d’un itinéraire intérieur d’une année. Un éclairage rétrospectif est porté sur le personnage, procédé habituel dans les pages d’exposition, où le narrateur fait le point sur le passé avant d’engager l’action dans le présent.
Les qualités du héros en apprentissage. Rastignac est doué de trois vertus magiques : la vivacité dans l’analyse, le désir vif de posséder ce qu’il voit et l’aptitude a l’action. Il est muni es qualités utiles au héros en phase d’apprentissage puise à travers son regard et son comportement le narrateur peut nous livrer à la fois la connaissance des choses et les moyens de leur appropriation.
Un personnage enthousiaste. Ce personnage incarne la face de lumière du roman balzacien, tant d’ardeur et de foi dans la vie qu’ignoreront les héros et héroïnes de Flaubert, et même Gervaise de Zola dans L’Assommoir, avec ses velléités d’une vie laborieuse.
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