26 février 2014

L’énonciation



1 – La situation d’énonciation.
La situation d’énonciation met en relation un énonciateur qui produit un énoncé à l’attention d’un destinataire, à un moment et dans un lieu précis.

2 – Les modes de l’énonciation : discours et récit.
L’énonciateur intervient sous deux formes qui, la plupart du temps, se combinent : le discours (l'énoncé ancré dans la situation d'énonciation), dans lequel ‘énonciateur s’exprime en son propre nom (« je », présent de l’indicatif), et le récit(l'énoncé coupé de la situation d'énonciation), dans lequel l’énonciateur raconte une histoire (3ème  personne, passé simple). Le récit est parfois interrompu par un commentaire ou un terme modalisateur qui trahissent la présence de l’énonciateur : « Chez le baron, rien, il faut en convenir, ne sentait le vieillard ». (Balzac, La Cousine Bette, 1846)
3 – Les indices de l’énonciation.
3.1 - Les pronoms personnels :
le discours se caractérise par l’emploi des pronoms je/me/moi et tu/te/toi, vous ; le récit, par celui des pronoms il(s)/elle(s), le/la/les, lui/leur, eux. Remarque : parfois l’énonciateur apparaît sous la forme du pronom « il » ou « nous », équivalent de « je » : ex : « Dans une première partie, nous montrerons que le poète exprime son désespoir ». De même, le destinataire peut se révéler à travers une apostrophe, une périphrase ou l’impératif à la 2ème  personne : « Homme libre, toujours tu chériras la mer ». (C. Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857)
3.2 - Le pronom « on » s’emploie parfois à la place d’un indéfini :
 « On (quelqu’un) sonne la cloche, / Dormez, les bons prisonniers ! » (P. Verlaine, Parallèlement, 1889). Dans certains cas, il rempla¬ce le pronom je, il, elle, nous, vous, ils : « Était-ce possible qu’on (il) lui eût préféré cette créa¬ture insignifiante ? » (É. Zola, Au Bonheur des Dames, 1883)
3.3 - Les déterminants et les pronoms possessifs peuvent renvoyer à l’énonciateur : mon/notre/le nôtre/la nôtre … : « À notre retour, le Binoclard nous passa un livre, mince, usé, un livre de Balzac ». (Dai Sijie, La Petite Tailleuse chinoise, 2000)
3.4 - Le présent de l’énonciation fait référence au moment de l’écriture :
« Je sens en écrivant ceci que mon pouls s’élève encore : ces moments seront toujours présents quand je vivrai cent mille ans ». (J.-J. Rousseau, Les Confessions, 1782-1789, posth.)
3.5 - Les adverbes de temps ou de lieu caractérisent le discours :
hier, demain, ici … font réfé¬rence au je et au présent d’énonciation. Dans le cadre du récit, leur forme varie : hier devient la veille, demain devient le lendemain, ici devient là. 
4 – Les Modalisateurs.
Ils traduisent les sentiments, l’opinion, le jugement, la position de l’énonciateur à travers des termes et une ponc¬tuation chargés d’implicite : « La liberté serait le droit de faire ce que l’on veut ! » Un texte est rarement neutre. Il porte souvent les marques de la subjectivité du locuteur ou du narrateur qui, par le biais des modalisateurs et d’un vocabulaire appréciatif ou dépréciatif, exprime ses opinions personnelles dans l’intention d’influencer le lecteur. 
4.1 - Les modalisateurs.
On appelle « modalisateurs » des mots et des procédés grammaticaux par lesquels le locuteur, dans le cadre d’une argumentation implicite, exprime indirectement la certitude ou le doute, l’approbation ou le désaccord, l’enthousiasme ou le rejet. La modalisation se traduit essentiellement à l’aide : - de certains verbes : pouvoir, devoir, sembler, paraître, prétendre … « Il devrait arriver dans les premiers ». - de certains modes : le conditionnel, le subjonctif, l’impératif « Il aurait quitté la France ». - de certains adverbes ou conjonctions : déjà, enfin, trop, même, bien sûr, au moins, d’après, aussi, assez, vraiment, peut-être, sans doute, certainement, apparemment. .. « Bien entendu, il nie sa participation aux débordements ». - de certains adjectifs qualificatifs : pauvre, malheureux, sublime … « Le pauvre Alain s’en est tiré par des excuses ». - de certains signes de ponctuation : deux points, points d’exclamation, d’interrogation, de sus¬pension, guillemets … « Sa « faute» a été discutée en conseil de discipline ».
4.2 - Le vocabulaire appréciatif et dépréciatif.
Les mots qui traduisent un jugement de valeur positif sont dits « appréciatifs » ; ceux qui tra¬duisent un jugement négatif sont dits « dépréciatifs ». On trouve dans le vocabulaire appréciatif et dépréciatif : - des mots de sens positif (lumineux) ou négatif (taciturne) - des mots empruntés à un niveau de langage soutenu ou familier (une bâtisse/une bicoque) - des mots construits à l’aide d’un suffixe mélioratif (un biquet) ou péjoratif (un richard) - des mots qui s’accompagnent d’une connotation positive ou négative (potelé/bouffi) - des mots qui contiennent une idée d’abondance (patrimoine) ou de restriction (dépeuplé) - des figures de style (métaphore et comparaison positives ou négatives : méchant comme une teigne).

Exercice d'application :
Exercice 1
Ces expressions sont-elles ancrées dans la situation d'énonciation ou coupées de la situation d'énonciation ?
1. Le mois dernier, nous avons organisé, à la maison, une soirée musicale où tous nos amis ont dû jouer, bien ou mal, d'un instrument.
2. Le voyageur aperçut au loin un rhinocéros qui semblait paisible, mais il préféra cependant grimper sur un arbre.
3. Le passage au troisième millénaire fut l'occasion de fêtes délirantes.
4. Quelqu'un a téléphoné pour toi hier soir.
5. Un sapin a été déraciné par le vent, le mois dernier, dans notre jardin.
6. Un jour, un enfant découvrit une vieille boîte rouillée sur un chantier. Il l'ouvrit, le cœur battant, mais elle ne contenait que quelques trombones.
7. Viens t'asseoir près de moi, je vais te montrer mes photos de vacances. Tu me feras voir les tiennes après.
8. Dans trois jours, ce sera dimanche et nous irons au bord de la mer.

Exercice 2 :
Transformez un énoncé coupé de la situation d’énonciation :
Il était à ce moment-là, neuf heures. Alexandrine recommença de déambuler dans la salle. Elle pouvait dire tout ce qu’ils avaient fait la veille, minute par minute. Mais elle préféra s’intéresser à ce qu’elle ferait le lendemain matin et elle s’en expliqua.
Exercice 3 :
Transformez un énoncé ancré dans la situation d’énonciation :
Ce matin, Paul est sorti de chez lui à sept heures. Il a pris le métro à la station Stalingrad. A midi, il a été aperçu au buffet de la gare d’Austerlitz. Ce soir, il a été suivi par deux policiers en civil Boulevard Saint Michel. Demain matin, dès l’heure légale autorisée, il sera arrêté.

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